1 Janvier 2018
L’élevage breton en 2018 : moins et mieux ?
Un élevage hors-sol de plus en plus concentré
L’agriculture bretonne a suivi la voie de l’industrialisation depuis plus de 30 ans.
Pour les porcs et les volailles, il n’y a presque plus d’alternative à l’élevage hors-sol et le nombre d’animaux par exploitation ne cesse d’augmenter. Aujourd’hui se créent des fermes de 1000 truies pour 30 000 porcs produits par an (Saint-Nic, Landunvez, Plovan, Trébrivan) ou des élevages de 200 000 poulets pour plus d’un million de poulets produits par an (Monts d’Arrée). Pour les élevages laitiers, la concentration est aussi à l’œuvre et la part de l’herbe pâturée dans la ration des animaux diminue sans cesse au profit de celle des aliments.
Une baisse continue du nombre d’exploitations et d’emplois agricoles
En Bretagne, les fermes et les emplois disparaissent : 92 545 fermes en 1988, 34 447 en 2010 et 22 000 prévus en 2025, soit la division par 4 du nombre d’exploitations en moins de 40 ans ! Pour 23 000 exploitations laitières en 2000, il n’en reste plus que 13 000 aujourd’hui. L’emploi agricole suit la même courbe : 90 000 actifs permanents sur les exploitations en 2000, 68 000 en 2017.
Un gigantisme qui explique les pollutions
La Bretagne produit 14 millions de porcs, 600 millions de volailles de chair et 6 milliards d’œufs par an. Ces chiffres qui donnent le tournis sont responsables des taux élevés de nitrates, de phosphore, de métaux lourds et de pesticides. Les conséquences sont connues : marées vertes, algues bleues, phytoplanctons toxiques, mauvaise qualité de l’eau, acidification des sols …
La situation des élevages laitiers mérite aussi l’attention, ainsi que le montrent l’arrivée à Carhaix de la gigantesque usine de production de lait en poudre Synutra, les interrogations sur la qualité du lait produit par des vaches nourries au maïs et au soja, les scandales sanitaires à répétition, depuis la vache folle jusqu’au tout récent rappel par Lactalis de lait maternisé contaminé. Les 2 millions de bovins en Bretagne contribuent pour beaucoup aux émissions agricoles d’ammoniac dans l’air, aux excès d’azote et de phosphore dans les rivières et les sols, génèrent une grande partie du méthane, gaz 25 fois plus actif que le CO2 pour le réchauffement climatique. Si l’impact pour la santé humaine d’une consommation excessive de produits carnés est connu, le débat sur les produits laitiers est plus « feutré » mais beaucoup de nutritionnistes recommandent aujourd’hui la modération dans la consommation de ces produits.
Des millions de tonnes de lisier à épandre
Aux Pays-bas, début décembre 2017, des éleveurs de porcs et de poulets ont été verbalisés pour des fraudes à l’épandage de lisier. D’après l’enquête de police, « Les épandages illégaux, encouragés par la négligence des autorités sanitaires se sont généralisés ». Un tel scandale ne risque pas d’éclater en Bretagne puisqu’aucun contrôle des épandages n’a lieu sur le terrain ! Pourtant, 27 millions de tonnes de lisiers et de fumiers sont épandues chaque année sur les sols bretons sans compter les fientes de volaille. A la veille de la mise en œuvre du 6è programme d’actions directive nitrates (PADN) 2018-2022, presque toute la Bretagne est en Zone d’Action Renforcée (ZAR), expression technocratique pour qualifier un grave excès d’azote dans les sols et l’eau.
L’air pollué par l’ammoniac
L’agriculture est responsable de 97,5% des émissions totales d’ammoniac dans l’air. L’ammoniac est responsable de nombreuses pathologies affectant les travailleurs agricoles et les riverains des élevages, qui respirent ce gaz et doivent en supporter l’odeur. Il joue un rôle important dans la pollution de l’air par les particules fines. Il est le principal précurseur des émissions de protoxyde d’azote N2O, très puissant gaz à effet de serre à longue durée de vie. Les pouvoirs publics continuent d’ignorer cette pollution et aucune mesure n’est prise faute de normes.
De la place pour tous ?
Les représentants de l’élevage industriel affirment « qu’il y a de la place pour tout le monde ». Selon eux, les fermes usines peuvent continuer à se développer sans porter tort aux exploitations petites et moyennes. Ce n’est pas le cas. Le mouvement de concentration des exploitations se fait au détriment du développement des fermes à taille humaine et respectueuses de l’environnement.
Nous préférons dire que tout le monde peut trouver sa place si les fermes qui ont déjà choisi l’autonomie alimentaire avec un nombre d’animaux adapté aux surfaces cultivées deviennent un modèle pour la conversion des autres exploitations. L’Union Européenne, l’Etat et la région Bretagne devraient orienter en ce sens toutes leurs aides et subventions.
C’est notre souhait pour 2018 !
Jean Hascoët, président de l’association Baie de Douarnenez Environnement
SOURCES :
http://draaf.bretagne.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/TAB_COMPLET_cle416585.pdf
http://draaf.bretagne.agriculture.gouv.fr/Quantite-d-effluents-d-elevage
https://blogs.mediapart.fr/lane/blog/071114/ammoniac-et-agriculture
https://www.consoglobe.com/la-pollution-lammoniac-augmente-dangereusement-cg
https://www.citepa.org/fr/air-et-climat/28-polluant-et-ges/aep/39-nh3