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Association Baie de DouarneneZ Environnement (BDZE)

L'association Baie de Douarnenez Environnement a pour but de défendre et protéger l'environnement et la qualité de vie sur l'ensemble du territoire maritime et terrestre de la baie de Douarnenez, de la baie des Trépassés et de la chaussée de Sein ; de lutter contre la prolifération des algues vertes

Regroupement d'élevages Kergoncily - Observations de BDZE à l'enquête publique

Monsieur le commisssaire-enquêteur,

La Baie de Douarnenez est une des 8 baies pilotes pour le plan algues vertes (PAV) lancé en 2010 et dont les programmes de reconquête de la qualité de l'eau se termineront cette année en 2015. Le  comité de pilotage du plan (COPIL), dans son évaluation réalisée en décembre 2014, pointe « une dynamique en difficulté », et une « démobilisation des prescripteurs ». Le volet méthanisation est « sous-réalisé » et  il faudrait « renforcer le volet changement de pratiques »...

Dans la réalité, très peu de choses changent et le 14 octobre 2014, le syndicat majoritaire FNSEA qui gère la chambre d'agriculture demandait à «  l’ensemble des paysans, et des prestataires de services, de ne pas envoyer les déclarations des flux d’azote » en précisant que la FDSEA Finistère s'est toujours opposée à cette déclaration.

Le projet sur le quel vous allez donner un avis, est situé le long d'une baie classée en mauvais état écologique et près d'une rivière, le Lapic, si polluée que son retour à un état satisfaisant (objectif à atteindre en 2015) est décalé à l'année 2027. Le diagnostic du plan algues vertes est formel : la responsabilité des excès d'azote est due à plus de 90 %  à l'agriculture.

  1. La méthanisation ne diminue pas la pression azotée.

L'enquête publique concerne le regroupement de structures par une exploitation qui comprendra plus de 2000 porcs. L'unité de méthanisation ne nécessite qu'un simple enregistrement : nous pouvons cependant constater dans ce cas, que quels que soient les avantages de la méthanisation, cette technique ne diminue pas l'azote. Voire page 17 du résumé technique et en annexe.

  1.  L'argument de la diminution du cheptel n'est pas  pertinent.

Pour montrer la conformité de son projet avec les préconisations du SAGE  et du Plan Algues vertes mais surtout pour être éligible aux aides très importantes liées à la construction et l'exploitation d'un méthaniseur,  l'exploitant argue d'une diminution du cheptel (moins 386 animaux équivalents).

Cet argument n'est pas pertinent pour au moins 3 raisons :

  • La prolificité des truies augmente : 330 truies à la place des 335 truies présentes sur les 3 exploitations antérieures. Il suffit de lire l'historique de l'exploitation de monsieur Quintin pour comprendre que cela ne représente en rien une diminution de l'élevage :  avec 235 truies , il y avait 1361 porcs charcutiers en 1999, 1770 en 2009, et 1992 en 2012.
  • La vitesse de croissance des porcs permet une diminution des jours passés à l'engraissement ce  qui fait qu'avec 2988 emplacements, il est possible d'élever autant de porcs à l'année en 2015 qu'avec 3352 places quelques années avant !
  • Les éleveurs voisins peuvent augmenter leur cheptel sur simple déclaration car le  décret du 27 décembre  2013 permet une augmentation du cheptel  sur simple déclaration ou enregistrement quand le seuil est inférieur à 2000 animaux. Ainsi, avec ce nouveau décret, l'élevage voisin Conan-Férec au-lieu-dit Kérangarinet, qui pour une augmentation de 898 à 1 518 bêtes avait été soumis à enquête publique en 2013, ne le serait pas aujourd'hui.  
  1.  Il n'y a pas de données concernant le devenir des terres des exploitations Pratégannec et Le Loriou.

La SCEA de Kergoncily a obtenu l'autorisation de reprendre l'activité de deux élevages porcins : celui de Madame Mignon à Pratégannec à Plomodiern et celui de Monsieur Canevet au lieu dit Le Loriou à Plonévez Porzay. La reprise concerne les élevages, mais non les terres de ces exploitations. Il est donc vrai, comme le souligne le document à l'enquête, que la fermeture définitive de ces deux élevages représente une « réduction de l'azote organique potentiellement épandu » sur ces deux sites mais le document présenté à l'enquête n'apporte aucune information sur l'utilisation des terres de ces deux exploitations situées dans un canton en Zone d'Excédent Structurel (ZES). Il y a un lien de connexité entre les trois exploitations dans un bassin algues vertes et la seule certitude c'est qu'à Kergoncily, à proximité de la rivière du Lapic, dont l'état écologique est très préoccupant, l'intensification porcine se poursuit...

  1. Le plan d'épandage est flou.
  • Les données concernant les deux exploitations voisines sont insuffisantes : l'exploitation de Madame Sergent (43,82 ha de SAU) produit 2300 tonnes de lisier brut sans que l'on puisse faire le lien avec son activité. Le tableau d'épandage après projet prévoit une augmentation de 0,5 tonnes d'azote apportés par l'exploitation Kergoncily sur l'exploitation Sergent (de 2,3 tonnes à 2,8 tonnes).  Pour la EARL de Kergall (49,44 ha de SAU avec 28 vaches laitières et 27 génisses), une baisse de 0,9 tonnes d'azote (de 5,19 tonnes à 4,29 tonnes) est présentée sans que les tableaux en annexe ne permettent de comprendre une telle baisse.  
  • Les données concernant la situation des trois exploitations qui fournissent une partie du substrat pour la méthanisation sont insuffisantes : la SCEA Scieller de Plonévez Porzay fournit 100 tonnes de fumier de volaille (2,9 tonnes d'azote), La EARL Le Duff de Plonévez Porzay, 100 tonnes de fumier de bovins (0,5 tonnes d'azote) et la EARL Jean Marc Nicolas, 816 tonnes de coproduits de traitement de lisier de porc (2,5 tonnes d'azote). Le résumé technique précise que la EARL Le Duff épandra 0,5 tonnes d'azote en moins soit l'équivalent des 0,5 tonnes fournies. La EARL Jean Marc Nicolas n'épandra par contre que 0,5 tonnes en moins alors que les coproduits fournis correspondent à 2,5 tonnes d'azote.  Pour la SCEA Sciellier, il n'y aucune donnée.
  • Il est dit page 39 du rapport que la SCEA Kergoncily prévoit l'extension du réseau enfoui d'épandage "sur les parcelles voisines de son exploitation" sans autres précisions.
  1. L'impact paysager et écologique n'est pas étudié.

L'article R 512-6 rend obligatoire une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques....

Sur tous ces points, aucune étude n'est fournie dans le dossier.  

Pour l'aspect paysager, il est simplement écrit : « le projet de regroupement ne sera pas source d'aggravation ».

Pour la faune et la flore il faut se contenter d'un laconique : «  tout est fait pour ne pas porter atteinte à la faune et la flore »

  1. L'étude d’impact n’est assortie d’aucune étude hydrogéologique.

 Il n'y a aucune étude présentée concernant la circulation des eaux sur les parcelles et aucune indication quant aux eaux souterraines, inclues celles qui donnent lieu à pompage. De plus, l’étude d’impact ne comporte, aucune description des mesures prises pour éviter les ruissellements de composant nitratés sur les eaux superficielles.

  1. Il n'y a aucune étude agro-pédologique réelle.

Une étude permettant de disposer de données précises et complètes sur la nature des sols et sous-sols des divers secteurs retenus pour constituer le plan d’épandage serait nécessaire pour répondre aux exigences du 2° du II de l’article R. 512-8 du code de l'environnement, tant pour apprécier l’impact de l’épandage prévu sur la qualité des eaux, que pour apprécier l’aptitude des parcelles à l’épandage et ainsi s’assurer de l’exactitude des indications du pétitionnaire sur le degré d’aptitude des terrains à l’épandage du lisier. Il y a bien des descriptions des différents types de sols mais aucune étude précise de la situation des parcelles.

  1. Le modèle économique est fragile.

L'observation des trois exploitations regroupées pour le plan d'épandage permet de comprendre les évolutions sur un territoire où les STH (Surfaces Toujours en Herbe) disparaissent, où le nombre des exploitations est passé de 94 en 1988 à 41 en 2010 pour la commune de Plonévez Porzay avec en 22 ans une perte de 100 emplois (de 170 à 70). Le Plan algues vertes qui prend fin cette année, aurait pu permettre des changements de pratiques, une augmentation des surfaces herbagères, un maillage bocager reconstitué. Nous avons ici un parfait exemple du contraire, même si l'exploitant participe au plan Breizh bocage pour quelques centaines de mètres de haies qui ne compensent pas les kilomètres qui continuent à disparaitre. Les deux exploitations porcines Sergent et Kergoncily n'ont plus un centimètre carré de surface herbagère et, à quelques kilomètres des plages de la baie, le bocage devient zone industrielle.

Le territoire qui entoure la baie de Douarnenez est un territoire remarquable avec le Parc d'Armorique et le Parc Naturel Marin d'Iroise. La plaine du Porzay a une riche histoire agricole. On remarque une contradiction fondamentale : d'un côté, le "mauvais état écologique" de la baie et de la rivière du Lapic est reconnu, de l'autre le modèle d'industrialisation de l'agriculture prétendument imposé par les échanges mondiaux est considéré comme inéluctable ! Or, il se trouve que ce modèle détruit le paysage, met en péril l'environnement et fragilise le tissu socio- économique.  

L'association Baie de Douarnenez Environnement participe depuis sa création à de nombreuses réunions, tant dans le cadre du Plan Algues Vertes que des travaux de préparation du SAGE de la baie. Aujourd'hui les objectifs du plan algues vertes sur les changements de pratique sont loin d'être atteints, notamment quant aux surfaces en agriculture biologique, qui non seulement n'ont pas augmenté (600 ha supplémentaires prévus au PAV), mais ont diminué, pour rester à un pourcentage anecdotique, soit 1,3 % de la SAU (5 % pour la France et 10 % dans certains pays de l'Union Européenne).

Le projet présenté à l'enquête va bénéficier de sommes importantes pour la mise en place de la méthanisation. L'investissement pour le méthaniseur, évalué à 572 000 euros, sera subventionné à 60 % par l'argent public (ADEME, État, Région, Département). Pourquoi ne pas avoir soumis ces financements à des conditions de changements de pratique ? La demande en produits de qualité ne cesse d'augmenter et l'offre ne suit pas. Ainsi, l'Union des éleveurs bio (Unebio) cherche des éleveurs de porc. La filière du porc bio peine à fournir la demande des consommateurs. http://www.ouest-france.fr/recherche-porc-bio-desesperement-2875751. Pour l'avenir il est urgent que la Bretagne modifie l'image de ses productions porcines. Elle n'a pas le choix si elle souhaite assurer à la fois son bien-être économique et la qualité de son environnement.

Nous vous demandons, Monsieur le commissaire-enquêteur, d'émettre un avis défavorable, en cohérence avec le Plan Algues Vertes et avec les préconisations pour le futur SAGE de la baie de Douarnenez.

Jean Hascoet, Président de Baie de Douarnenez Environnement

Regroupement d'élevages Kergoncily - Observations de BDZE à l'enquête publique
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J
Très bonne analyse. Ce projet ne nous permet donc hélas pas d'espérer de la méthanisation et de cet emploi des subventions public une amélioration de l'état des eaux. Une question : dans l'exploitation Quintin en 2012 , " 1992 porcs pour 235 truies" , soit 8,5 porcs par truie. Sachant qu'aujourd'hui on atteint 24 porcelets sevrés par truie et par an, le chiffre de 1992 porcs n'est-il pas le nombre de porcs présents (places en engraissement) et non le nombre de porcs produits par an ?
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